« Singer from Taïga », film documentaire mongol sur les traditions ethnomusicales des Darkhad de Huvsgul
Aborder le patrimoine culturel immatériel à travers un documentaire est un défi pour un réalisateur, surtout si son œuvre parvient à laisser sa trace par-delà son contexte initial d’existence et hors de ses frontières culturelles. C’est le défi mené et relevé avec brio par Batbileg Zolijargal, avec son film documentaire « Singer from Taiga », qui soulève la question de la perte d’un patrimoine oral et musical ancestral et fragile, et l’espoir de le faire perdurer.
« D’ici 10 ou 20 ans, la culture, les traditions et la langue de l’ethnie Darkhad sera oubliée et détruite si aucune mesure sérieuse n’est prise », s’attriste le réalisateur. Il veut mettre en lumière la situation actuelle de la Mongolie: en proie à un développement économique rapide et brutal, certains craignent que les traditions et l’héritage culturel unique tendent à être absorbés par la modernisation de masse. Tout le dilemme sociologique très actuel, dans maintes régions du globe, entre tradition et modernité…
Zolijargal a donc repris cette préoccupation comme point central de son documentaire, pour en faire non seulement un moyen de préservation et de sauvegarde par un média « matériel », mais surtout un outil éducatif qui éveillerait les consciences en déployant les traditions culturelles des Darkhad par-delà les frontières de son pays.
En effet, « Singer from Taïga » s’intéresse au groupe ethnique des Darkhad et à la lutte qu’ils mènent pour préserver leurs chants et musiques traditionnels face à un monde qui change, qui se globalise, et qui oublie. Dans cette optique, le réalisateur et son équipe ont suivi Tsogbadrakh, un chanteur traditionnel originaire d’Ulaan-Uul, au nord de la province de Huvsgul, et également chercheur musicologue et professeur au centre culturel local. Le film le suit à travers ses pérégrinations dans la province, à la recherche de rencontres et d’entretiens avec des « anciens » encore détenteurs de ce savoir musical qui aurait peut-être été perdu à jamais sans ces enregistrements. Il recherche aussi des instruments typiques comme la guimbarde, et des artisans sachant en jouet et en fabriquer pour l’usage de jeunes musiciens.
Zolijargal a trouvé la réponse à ces efforts de préservation grâce à sa rencontre fortuite avec un membre du Mongolian National Broadcaster (MNB, chaine télévisée officielle mongole) l’an dernier.
« En 2011, notre producteur a rencontré un homme nommé Tsoodol qui travaillait au MNB, et l’a informé de l’existence d’un chanteur traditionel à Huvsgul. Ils ont donc trouvé un accord pour que nous puissions y aller et tourner le film durant le Tsagaan Sar ».
Une fois le film terminé, il fût projeté en Mongolie et reçût l’award du meilleur Documentaire dans le cadre du Mongolian Film Academy Awards, en 2011. Puis il fût sélectionné au Festival International du Film Documentaire de New York en novembre 2011. « Singer from Taïga » a été le premier film mongol a entrer dans les 18 ans d’histoire du festival.
« J’étais très enthousiasmé par ce succès, avoue Zolijargal, mais davantage encore que ma propre fierté, ce qui m’a ravi c’est le fait de pouvoir montrer au monde que certaines traditions culturelles mongoles sont en danger et risquent d’être oubliées. J’étais très heureux de pouvoir présenter la Mongolie a tant de personnes. »
A des milliers de lieues des lacs gelés du Huvsgul, en pleine effervescence new-yorkaise, l’histoire du clivage entre les générations, de traditions qui s’effritent et d’art ancestral qui disparaît a trouvé une large audience et un vif succès puisque elle a récolté le prix de Meilleur Documentaire.
Pour voir la Bande-annonce du film, cliquez su ce lien:
Pour en apprendre davantage sur le patrimoine culturel immatériel mongol et les mesures prises par l’UNESCO, suivez ce lien:
http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?pg=00311&cp=MN&topic=nat_measure