Qui sont les oligarques mongols ?

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Qui sont les oligarques mongols ?

Article écrit par Mme Chimegmaa Orsoo (docteur en Sciences Politiques) et paru dans le journal Le Monde du 15 Mars 2012.

 

« Ayant fait faillite il y a 20 ans, en se déchargeant de ses responsabilités sur le dos de ses citoyens, l’Etat mongol s’est largement discrédité aux yeux de la population aujourd’hui. Cela s’explique par plusieurs points dont un qui me semble déterminant : l’arrivée des oligarques sur la scène politique.

Le Parti populaire révolutionnaire de Mongolie (PPRM) avec ses 70 ans d’histoire de construction du pays, les députés du Grand Khoural, les classes sociales composées d’ouvriers, d’intellectuels et de fonctionnaires du temps du bloc communiste ont disparu en laissant un vide derrière eux.

 Une excellente opportunité de s’y infiltrer se présente donc aux profiteurs de la structure économique du temps communiste abandonnée par l’Etat sous prétexte de privatisation. Profitant de l’ignorance et de l’incompréhension de la population sur la distribution du bien d’Etat sous forme d’actions il y a 20 ans, ces gens autoproclamés businessman forment à elle seule aujourd’hui toute une classe s’accaparant toute l’économie du pays.

En l’espace de peu de temps, une économie véhiculée par l’unique but lucratif s’est solidement installée au sein de la société mongole. Toutes les usines d’Etat firent faillite les unes après les autres et en une nuit, le gouvernement mongol a dévalorisé la monnaie mongole de 50% avec son fameux décret N°20.

La société mongole trompée par son Etat subit donc ce choc économique de plein fouet.

A cette époque, l’heure n’étant pas en situation de négocier, aucun mongol n’a pensé à protester. Les élections de 1992 et 1996 ont illustré un simple bras de fer entre les dauphins du PPRM et les nouveaux jeunes démocrates émergés à la suite de l’effondrement du bloc communiste. La victoire écrasante du PPRM en 1992 s’explique largement par ses 70 ans de notoriété qui reste fort parmi les populations. Le niveau de vie se dégrade entre 1992-1996 et en 1996, la situation s‘inverse. Les mongols curieux de voir ce que peuvent accomplir les jeunes démocrates, votent massivement pour le Parti démocratique, principal concurrent du PPRM. Mais la notoriété du PPRM reste forte.

C’est à la suite de sa victoire de 1996 que le Parti démocratique a grandement ouvert la porte de l’Etat aux accapareurs de l’économie du pays qui sont venus se présenter à la politique afin de protéger leurs intérêts économiques. C’est justement là où réside l’erreur irréversible du PD.

Toutefois, cette arrivée des oligarques à la politique n’est pas un phénomène propre à la Mongolie. Dans la même situation, on peut parler des accapareurs russes de l’économie de l’URSS baptisés par la presse étrangère comme  » des oligarques « .

Le gouvernement mongol préoccupé jusqu’en 2004 par le paiement des retraites, des salaires et des allocations doit gérer désormais une nouvelle épreuve : celle de la gestion de la rente minière, immense enjeu pour l’avenir économique du pays. Finalement, même le PPRM fort de sa notoriété de 70 ans finit par recruter de nombreux oligarques. C’est ainsi qu’à partir de 2008, l’Etat mongol est entièrement géré par les oligarques qui ont très bien su comment courtiser les électeurs avec des stratégies beaucoup plus élaborées que celles de leurs homologues russes.

Il est en effet facile de gagner des voix parmi la population qui en a assez de la politique et des scandales de corruption de toute sorte. Il suffit de promettre de l’argent sous prétexte de la croissance fantasmée du PIB dans les prochaines années grâce à la rente minière.

Ce n’est pas leur argent qu’ils vont distribuer mais c’est le bien public qui va partir en miette. En outre, ces mêmes oligarques à la tête de l’Etat ont réussi à instaurer une immense attente parmi les mongols suite à l’exploitation des plus grandes mines de charbon (Oyutolgoi et Tavantolgoi) et de cuivre au monde découvertes en Mongolie.

Cette attente naïve est de même nature qu’à la fin des années 1980 où certaines imaginations pensaient qu’il suffit de faire partir les Russes hors de la frontière de la Mongolie pour que le pays connaisse un épanouissement économique et social important.

La vague des printemps arabes, les nombreuses manifestations contestataires en Russie ont alerté les oligarques mongols mais ils restent néanmoins confiants en leur avenir politique et économique.

Ils savent très bien que s’ils ne tiennent pas leur promesse, le peuple va manifester sa colère. Donc ils vont vider les caisses de l’Etat et emprunter de l’argent à droite et à gauche pour distribuer de l’argent-cadeaux qui entretient indirectement tous les problèmes que la société mongole doit affronter : chômage, alcoolisme…

Ils ont promis un million de tugrik (environ 650€) par habitant qui deviendrait plus tard une dette 10 fois plus importante à rembourser sur le dos de nos enfants.

La colère de la société mongole est bien plus importante que ce que peuvent penser les oligarques à la tête de l’Etat.

Les mongols qui ont majoritairement bénéficié d’un système éducatif non négligeable hérité du système communiste voteront bientôt pour leur nouveau parlement dont le gouvernement sera issu, mais il semble que les mongols attendent un renouveau politique plus sain et plus honnête.  »

 

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