Le Coronavirus en Mongolie
Situation en Mongolie face au Coronavirus
Certains d’entre vous ont eu la chance d’être accueillis – ou peut-être même guidés – en Mongolie par Khaliunaa. Elle nous livre ici ses impressions, ainsi qu’un état des lieux de la situation en Mongolie depuis l’apparition du Coronavirus. Son texte datant du 23 avril 2020 nous permet de nous faire une idée un peu plus concrète de ce à quoi ressemble la vie à Oulan Bator alors que l’Europe traverse une crise tout aussi inédite…
Une menace lointaine
Quand l’année 2019 s’est terminée, personne ne connaissait encore le Coronavirus. Nous nous réunissions tous, pour faire la fête, des balades, pour sortir : la vie était alors tout à fait normale. C’est après le 1er janvier qu’on a commencé à entendre parler d’un virus inconnu apparu en Chine, d’abord par le bouche-à-oreille, puis par la télévision. La situation à Wuhan s’est semble-t-il aggravée, et en un clin d’oeil, toutes les chaînes de télé se sont mises à en parler. Aussitôt, le Ministère de la Santé a annoncé via la télévision ou par SMS qu’il fallait porter un masque, se laver les mains et les désinfecter avec du gel hydroalcoolique. Étant des voisins de la Chine, il était crucial que nous nous protégions correctement afin d’être prêt quand (si) le virus entrerait en Mongolie. En quelques jours, les pharmacies se sont retrouvées en rupture de stock de masques et de gels…
Le 26 janvier, la Commission d’Urgence de Mongolie a annoncé la fermeture pour le lendemain des crèches, des écoles, des collègues, des universités et de tous les centres de formations. Elle a également annoncé la fermeture de la frontière terrestre avec la Chine jusqu’à nouvel ordre. Pour les enfants, ils en étaient à leur septième jour d’école seulement depuis la fin des vacances scolaires ! Ces annonces ont posé pas mal de problèmes notamment pour notre famille.
Ma fille de 6 ans est en CP, et mon mari est manager-marketing pour une entreprise minière. Il travaille 5 jours par semaine, du matin au soir. Moi, je travaille à 200% pour Ciel Mongol d’avril à octobre, mais pendant l’hiver, j’ai beaucoup moins de travail. Je travaille tous les jours alors comme professeur de fitness et d’aérobic. Avec nos emplois du temps chargés, comment fait-on pour s’occuper de notre fille ? Heureusement, certains jours, j’ai pu compter sur mes parents pour la garder ma fille, mais j’ai parfois dû la laisser toute seule. De nombreuses familles d’Oulan Bator n’ont pas cette chance et ont dû laisser leurs enfants sans surveillance toute la journée dans leur appartement. De nombreux incidents domestiques ont eu lieu pendant cette période…
En ce début d’année, il y avait 250 étudiants mongols à Wuhan. Pendant les vacances, ils sont rentrés de Chine, à l’exception de 32 d’entre eux qui ont ensuite demandé un rapatriement d’urgence. En effet, ceux-ci avaient de moins en moins accès à la nourriture, aux matériels de protection, et ne pouvaient pas sortir de leurs dortoirs. Le gouvernement leur a envoyé un avion, et à leur arrivée en Mongolie, ils ont été placés en quarantaine pendant 14 jours. Leur bon comportement sur place en termes de gestes barrière a été payant, car aucun d’eux n’est tombé malade.
Qui se rapproche…
La fête du Nouvel-An Lunaire (Tsagaan Sar), l’une des plus grandes fêtes mongoles avec le Naadam en été, approchait à grand pas. Cette année, celle-ci était prévue pour le 24 février, mais a dû être purement et simplement annulée. Toutes les routes menant aux différentes provinces ont été fermées afin d’empêcher les gens de se déplacer. Lors de cette fête qui dure 5 jours, les gens ont pour habitude de retrouver les membres de leur famille dans leur province natale, avec le risque de propagation du virus dans tout le pays. La Mongolie a aussi fermé toutes ses frontières terrestres aux étrangers, et les mongols rentrant au pays devaient passer une quarantaine de 14 jours. La situation empirant en Chine, tout le monde est devenu extrêmement inquiet. On ne voyait alors plus personne sans masque dans les rues, et les supermarchés refusaient l’entrée aux personnes n’en portant pas.
Après les “festivités” du Tsagaan Sar, le 28 février, la fermeture des écoles a été prolongée pour un mois ; tous les bars, karaokés et salles de fitness ont fermé leurs portes, et les cafés et restaurants ont vu leurs heures d’ouvertures limitées. De mon côté, ça tombait mal, car nous avions inscrit notre fille dans une école russe privée. Nous avions déjà effectué tous les paiements pour l’année, mais avec ce coronavirus, ma fille n’a eu que 3 mois de cours depuis septembre, et nous ne pouvons pas être remboursés… Désormais, comme je suis sans travail, c’est moi qui reste à la maison et qui lui donne les cours. Autant le dire tout de suite : c’est la guerre ! De midi à 18 h, on crie, on rit, on s’applaudit, je gronde, bref, je suis devenue enseignante de primaire (et en prime j’apprends le russe) !
Un premier cas venu de France
Le 8 mars, c’est la journée de la femme, et c’est férié. Bien sûr, les festivités ont aussi été annulées. Le lendemain, la première personne infectée par le covid-19 a été déclarée, et ce fut le stress et la peur chez tout le monde ! Il s’agissait d’un ressortissant français, venu par avion en Mongolie le 2 mars via Moscou. Comme pour tout le monde, cette personne avait l’ordre de rester en quarantaine volontaire 14 jours dans son hôtel ; il en a tout de fois fait qu’à sa tête. Cadre chez Orano (anciennement AREVA), il s’est directement rendu en train dans la province du Dornogobi dans le sud-est du pays pour travailler.
Les premiers et seconds contacts du français infecté ont pu être identifiés, et ont tous été mis en quarantaine à l’hôpital ou à l’hôtel. Plusieurs tests ont été effectués, et heureusement, tous sont ressortis négatifs ! Le français a été transféré à l’hôpital à Oulan Bator où il est encore soigné. Lorsqu’il a été diagnostiqué positif, il a d’abord souhaité rentrer se faire soigner en France, mais il s’est vite ravisé et est resté ici.
Cette situation m’a fait beaucoup de peine car les gens ont fait des amalgames, ils se sont mis à avoir peur des français, et à leur en vouloir. Heureusement, les mongols ont un très bon fond, et après une semaine les choses se sont calmées, et les gens lui ont souhaité un bon rétablissement. Maintenant, de ce point de vue-là les choses sont plus ou moins revenues à la normale.
La fermeture du pays
Après l’annonce de ce premier cas, les gens se sont rués sur les supermarchés. Ils ont fait le plein de riz, de farine et de viande. Imaginez-vous : le prix du kilo de viande qui est généralement bas en Mongolie est passé de 8’000 à 20’000 Tugrik (soit 7 € au lieu de 2 €) en seulement 4 heures ! Toutes les voitures de la ville ont fait la queue devant les stations services.
C’est étrange, car personne n’a annoncé de fermeture générale, ni de pénuries. Pourtant, j’y étais, moi aussi, devant ces rayons de viande, de farine et de riz. J’avais aussi peur qu’eux de manquer de nourriture à la maison et de mourir de faim.
Le Ministre de la Santé demandait sans cesse de rester chez soi. De toute façon, pourquoi serions-nous sortis ? Tout était fermé: les parcs, les fitness, les sentiers de randonnée, et les routes pour sortir de la ville étaient bloquées. La police était partout pour s’assurer du bon respect des règles.
Le 9 mars, la Mongolie a décidé de fermer entièrement ses frontières aériennes. Beaucoup de mongols se sont alors trouvé bloqués à l’étranger, notamment en Corée, au Japon, mais aussi en Italie, en France, en Allemagne et en Suisse. Le gouvernement, ne voulant pas laisser ses citoyens en difficulté dans des pays désormais considérés comme “dangereux”, a affrété des vols d’urgence. Un premier groupe de mongols est ainsi rentré de Corée, du Japon et de Turquie, et a été aussitôt placé 21 jours en quarantaine. Il est maintenant prévu d’envoyer un autre avion vers l’Allemagne et d’autres pays d’Asie. Les personnes prioritaires pour ces rapatriements sont les malades, les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées.
Ces vols sont vivement dénoncés par certains, car tous les cas de virus viennent de l’étranger. Les gens ont peur que le virus se répande dans tout le pays, et les infrastructures hospitalières étant insuffisantes (comme pour la France), la propagation du virus serait une catastrophe. Aujourd’hui, on compte 35 cas en Mongolie, tous venus de l’étranger…
Et maintenant?
Il n’est pas prévu que les crèches, les écoles et les universités n’ouvrent avant le 1er septembre, car les grandes vacances sont censées commencer le 1er juin. Malheureusement cette année, les enfants n’auront quasiment pas eu de cours…
Le 18 avril, les fitness et les centres de soins ont rouvert. Je suis soulagée, car au moins j’ai un salaire et un travail ! En effet, l’économie du pays et du peuple sont au plus bas. Beaucoup de gens ont perdu leur travail, ne peuvent plus emprunter auprès des banques ni payer leur loyer. Les petites entreprises ont fait faillite. L’entreprise de mon mari n’est pas bien en ce moment. Il travaille seulement 3 jours par semaine et ne touche plus que la moitié de son salaire.
En Mongolie comme partout : c’est difficile… On espère toutes et tous que cette pandémie va bientôt disparaître, en laissant le moins de trace possible ! Et n’oublions pas de porter le masque pour protéger nos proches !
Khaliunaa, le 23 avril 2020
un grand merci pour ces infos et un grand « courage » pour Khaliunna et sa fille.. pas toujours facile d’être avec un enfant dans un appartement en ville , d’autant plus avec tous ces espaces de steppes à pertes de vues.. à deux pas !. courage et à bientôt :)
gaelle
bravo à vous et merci de nous faire partager un peu de vos moments. Nous en sommes sortis mais soyons encore prudents. Au plaisir de vous rencontrer peut être l’an prochain.Amicalement Anne et Pascal Seingier